Edito - 30/06/10

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Les nouvelles articulations à imaginer dans l'intervention des pouvoirs publics

Contribution de l’association présentée le 23 juin 2010 à Monsieur Jérôme Bouët, chargé par le Ministre de la Culture et de la Communication de rédiger un Rapport sur le renouvellement des partenariats entre l'Etat et les collectivités territoriales.
 

Le contexte actuel

Il est caractérisé notamment par les difficultés financières rencontrées par d'abord l'Etat (réduction des déficits budgétaires) puis dorénavant par les collectivités territoriales (fiscalité locale). En ce qui concerne le retrait de l'Etat, il s'opère très différemment d'une DRAC à l'autre. C'est déstabilisant et réducteur car beaucoup ne comprennent plus quelle est la ligne de conduite suivie par l'Etat. Mais c'est aussi déstructurant si ces retraits ne s'accompagnent pas  de recentrages stratégiques : ceux-ci pourraient être pensés et définis avec les collectivités territoriales dans le cadre d'une nouvelle architecture d'intervention publique en faveur de la culture. Aujourd'hui chacun agit empiriquement ; en « pompier » souvent pour les collectivités qui doivent faire face à des urgences économiques, et sous le seul argument d'un contexte difficile pour l'Etat. Pourtant, la  question ne

peut être vue sous le seul angle financier, on éprouve aussi le besoin de ré interroger globalement les modes d'action dans les territoires, de préciser de nouveaux rapports entre financeurs / acteurs, etc.

Si le fait de ré interroger l'intervention publique dans la culture s'impose à nous, le seul argument financier reste pauvre, même s'il perdure : en 2004, il convenait de faire « face à la réduction de la croissance des crédits publics » pour reprendre les mots de Bernard Latarjet, et en 2010, il convient d'affronter des crédits publics en forte restriction voire en cessation pour certaines collectivités.

C'est alors la traduction d'un Etat (ou de collectivités) peu inspiré(s), dont les discours se réduisent à des questions techniques certes intéressantes (les labels, l'observation culturelle, l'emploi culturel pour ne parler que des thèmes développés dans le cadre des Conférences régionales du spectacle vivant), mais à travers lesquelles on cherche désespérément un « souffle épique » ! Il est nécessaire que l'Etat affirme la position centrale de la culture dans son projet de gouvernement : « Ce n'est pas l'art qui est en crise ni sa démocratisation mais plutôt la place qu'on lui accorde. L'art et la culture ne sont pas suffisamment considérés comme une préoccupation centrale de la société » (Ivan RENAR). Il n'est pas forcément choquant qu'un partenaire ré interroge sa participation dans un projet et plus largement dans une politique, mais cela doit se faire dans une logique de priorités redéfinies et surtout de concertation.

 

La nécessité d'une coopération publique

Dans ce contexte, il est nécessaire d'articuler plus étroitement les actions des collectivités entre elles, et de l'Etat. Dans cette dynamique, l'Etat doit non seulement être présent mais il peut même être un acteur puissant dans une logique d'articulation des politiques culturelles, dans une logique de transversalité (ex : politique de la ville), ce qui éviterait la segmentation, voire le « saucissonnage ». A ce titre, le lien éducation - enfance jeunesse - culture permettrait une adresse en terme d'Education Artistique et Culturelle globale de 0 à 26 ans (crèches-écoles-collèges-lycées-universités-péri et extra scolaire) et en pratiquant la (vraie) concertation et le partage (et donc leurs méthodes).

 

Définition d'un « Chef de filat »

L'idée de Chef de file - qui était chère à René Rizzardo - s'impose. Définir de nouveaux modes de gestion des politiques culturelles passe par le maintien d'une capacité d'intervention de chacun (phénomène historique et préservation de certaines autonomies artistiques), mais dans une organisation repensée et ordonnée. Sur la base de la négociation prenant en compte les réalités  territoriales, les intercommunalités, les départements et les régions, en lien avec l'Etat, pourraient désormais, à travers cette notion de chef de file, se donner des responsabilités plus clairement partagées pour animer le collectif des financeurs et être en situation d'agir au nom du collectif. Les financements croisés actuels sont nécessaires dans le domaine culturel. Cela n'empêche qu'ils sont générateurs de complexités administratives, et parfois vecteurs de saupoudrages discutables. Ils ont également quelque peu troublé la relation acteurs culturels / financeurs locaux dans les attendus de chacun.

La question n'est donc pas, ni de remettre en cause la clause de compétence culturelle générale, ni de rester dans le flou et l'empilage (voire la concurrence) actuels. La définition de compétences «prioritaires » est nécessaire et permettrait aux collectivités concernées de s'emparer comme chef de file de ces dernières, sans « spécifier » l'action de chacune, sans empêcher les autres d'y participer, sans enfin, si la collectivité « chef de file » ne s'en empare pas, d'y suppléer.

Ce chef de filat pourrait s'appuyer sur les autres compétences obligatoires des collectivités, sur leurs responsabilités respectives dans le domaine de l'aménagement du territoire ou encore sur les expertises et compétences de chacune des collectivités.

 

Pour une territorialisation des politiques culturelles

Tout en garantissant les principes constitutionnels (égalité), l'Etat doit prendre en compte la notion de territoire en reconnaissant sa diversité et ses spécificités.

A ce titre, il pourrait être envisagé le principe de l'expérimentation encadré par l'Etat (les territoires, les pratiques, les acteurs  ne sont plus uniformes), la définition de conventions territoriales intercollectivités et transversales ... objet d'une co-construction entre les niveaux de collectivités et le territoire.

Toutefois, se concerter, co-construire et travailler en commun pose comme préalable la capacité à y apporter des financements en commun qui ne sauraient se résumer à des appuis techniques et des expertises car les experts Drac sont dorénavant confrontés à des experts au sein des autres collectivités, le développement territorial requiert d'autres compétences que technicité, critères esthétiques, « excellence artistique » ; enfin, certains experts Drac sont moins au contact du terrain et des opérateurs... ou ne sont plus remplacés.

Enfin, rappelons que la France, qui a ratifié des conventions internationales (Unesco-diversité-droits culturels), a bien du mal à les mettre en œuvre, ce qui pourrait être  une des clés d'entrée pour penser  les notions de concertation, de construction mutuelle et de gouvernance.

 

Des outils ?

Nous ne sommes pas favorables à la création de nouveaux outils en soi, préalablement aux projets, nous serions plutôt enclins à nous  appuyer sur les outils existants si leur plus-value est reconnue.  A ce titre, les  agences départementales et régionales ont à se placer clairement au cœur de ces démarches en mobilisant et développant leurs capacités d'expertise, leurs capacités fédératrices entre acteurs publics et acteurs culturels, leurs ressources en veille stratégique et en développement d'outils méthodologiques pour mutualiser et fédérer. L'EPCC n'est qu'un outil parmi d'autres, le généraliser par principe n'aurait aucun sens, l'alternative doit rester ouverte. L'intercommunalité culturelle pourrait être centrale dans les années à venir. Il conviendra de l'accompagner dans les politiques départementales et régionales en la reconnaissant plus favorablement voire en l'impulsant.

Les Drac quant à elles ne gardent un sens durable que si elles investissent un rôle de rassembleur et d'animateur dans la définition  de nouveaux schémas d'intervention publique dans la culture. A noter que les conseillers sectoriels gagneraient à l'avenir à être dotés de compétences plus  transversales que sectorielles (avec un recentrage à Paris des inspections sur des champs tels que la réglementation ou la pédagogie).

Les paroles des collectivités doivent de leur côté être davantage coordonnées, concertées et assumées, et de ce côté-là  aussi, il y a encore des marges de progrès...

 

François DESCHAMPS, Francis GELIN, François POUTHIER

Partenariat

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