Culture & Départements

Edito - 04/02/11

 

 

Rapport Bouët : des pistes et un fil rouge le partenariat Etat-Collectivités

La presse a pu se procurer le Rapport de Jérôme Bouët au Ministre de la culture. Incontestablement ce Rapport, récemment discuté au sein du Conseil des collectivités pour la culture, trace des perspectives intéressantes en proposant aux collectivités (notamment les plus grandes, métropoles et régions) des stratégies de partenariat, et en suggérant aux propres services de l'Etat de mieux travailler avec les collectivités. Synthèse.

 

Le contexte

 

Le système de gouvernance culturel, qui repose sur la double action de l'Etat et des collectivités, est un modèle qui a été soutenu par un niveau élevé de financement public, mais qui connait une crise sans précédent depuis 2008, tant du côté de l'Etat que des collectivités. La Réforme territoriale, qui favorisera la création de métropoles (« moteur essentiel de la dynamique nationale »), créera un bloc département-région (« point d'équilibre entre les

communes et l'Etat »), et enfin qui favorisera des schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services, conduit à repenser la stratégie de partenariat de l'Etat.

 

L'état des lieux du partenariat

 

Du côté de l'Etat : la loi du 13 août 2004 (inventaire, enseignements artistiques) s'est inspirée notamment des « protocoles de décentralisation » des années 2000, mais cette stratégie de partenariat n'a pas été reprise depuis 2003 par l'Etat, pas plus que sa stratégie d'aménagement du territoire (les indicateurs de la LOFT ne font pas de place à la lutte contre les déséquilibres territoriaux). Les outils contractuels ont diminué et montré leurs limites (CPER, CUCS), hormis quelques conventions de développement culturel avec des communes, Pays et  Départements (Ardèche, Landes, Cantal). En revanche, les établissements publics nationaux (CNC, RMN, CMN, BNF, le Louvre, le Centre Pompidou) ont développé récemment des initiatives avec des (grosses) collectivités.

 

Quant aux élus locaux, ils revendiquent un ministère « garant de la qualité et de l'équité » en reconnaissant le rôle des DRAC (qui pour certaines sont trop cloisonnées dans leurs spécialités et « n'assurent pas assez leur fonction d'animation »). Les associations d'élus privilégient le maintien des responsabilités partagées sans demander davantage de transfert de compétences culturelles ...en raison de leur crainte d'un désengagement parallèle de l'Etat. La chaine de solidarité entre les acteurs publics est considérée comme fragile en cas de défaillance de l'un d'eux.

 

Pour Jérôme Bouët, renforcer le partenariat permettrait :

 

1/ une meilleure convergence des politiques du ministère et des collectivités, en fixant en commun  des objectifs et des moyens dans tel ou tel secteur ;
2/ une meilleure attention à la proximité, c'est-à-dire au bénéfice que peut apporter telle ou telle politique pour un territoire et sa population (plutôt qu'à une crispation sur les normes) ;
3) de préparer la suite... à savoir une maitrise de leurs choix par les métropoles, en raison de l'enjeu qu'elles représentent pour la construction européenne.

 

Les principes d'un partenariat renouvelé

 

Ce serait un partenariat d'égal à égal (maintenir une habitude de dialogue régulier et constructif avec les représentants des collectivités , améliorer le fonctionnement du Conseil des collectivités territoriales en associant davantage les élus à son pilotage) ; ce serait un partenariat adapté à chaque territoire (« chaque territoire doit inventer son modèle de partenariat ») ; ce serait un partenariat laissant la place à l'expérimentation, moteur du changement (elle doit être concertée dès le choix des lieux et des domaines concernés) ; ce serait enfin un partenariat réaliste sur le plan financier en raison du contexte budgétaire (« il doit être réservé à ce qui est le plus utile »).

 

La boite à outils pour inventer son modèle de partenariat

 

- Améliorer la concertation, par exemple sur les enjeux stratégiques à l'échelle d'un territoire (définir par région un mode de concertation ; définir une stratégie par DRAC de partenariat avec les collectivités et l'inscrire dans la négociation budgétaire annuelle).
- Réactiver la procédure de la  convention territoriale, pluriannuelle, transversale. Elle devrait être remise en vigueur, notamment, pour « soutenir des territoires moins favorisés ».
- Un développement du copilotage, gradué et expérimental avec des régions et des grandes villes, à des domaines tels que les aides à la création dans le spectacle vivant ou les arts plastiques.
- L'EPCC, « outil plus moderne que l'association para-administrative » mais encore mal perçu (on y voit un outil de démembrement ou au contraire le vecteur d'un engagement public trop fort) devrait être une formule qui se développe.
- L'action interministérielle est un détour qui permet d'améliorer le partenariat (cf.la déclinaison de la convention culture-santé à l'échelle régionale).
- Les métropoles, les grandes agglomérations, se sont dotées de politiques culturelles de grande qualité, innovantes et autonomes .A titre d'expérimentation, l'Etat pourrait (par convention et sur la base du volontariat) globaliser les crédits du ministère leur revenant, le périmètre de cette globalisation faisant lui-même l'objet de la négociation (ex, l'éducation artistique). De ce fait , les DRAC concernées pourraient concentrer leur effort en direction des territoires moins favorisés.
- Le transfert de gestion des crédits à une collectivité pour la restauration des monuments historiques (une seule expérimentation, jugée positive, a concerné le Lot de 2007 à 2010) pourrait être reproduit.
- l'organisation de la coopération territoriale entre acteurs publics passe par un rôle de « chef de file » de l'un ou de l'autre (parfois implicite). Les futurs « schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services » entre une région et ses départements permettront aussi des clarifications, les DRAC pourront appuyer ces schémas.
- Les outils régionaux (et départementaux ) de coopération, telles que les agences ou associations régionales du spectacle vivant) méritent d'être remises en perspective, sur la base de leur autonomie, de l'utilisation de leurs grandes compétences et d'un périmètre précis de leurs missions.
- Les DRAC pourraient par expérimentation apporter un meilleur soutien technique aux collectivités engagées dans des projets intercommunaux (équipements ou services mutualisés).
- Les contrats d'objectifs des organismes subventionnés sont de bons outils de partenariat, pour autant que « des objectifs précis soient mis sur la table des négociations », tels que leurs actions de démocratisation culturelle.
- Les DRAC devraient être dans la boucle des négociations entre les établissements publics nationaux avec des collectivités de leur ressort territorial. Leurs actions territoriales devraient être inscrites dans leurs contrats de performance.

 

Retrouver de l'unité dans la diversité

 

En matière d'éducation artistique, il manque de la convergence pour rendre l'action globale plus efficace (notamment pour les classes primaires). Dans le domaine de la politique de la ville, il faut que la culture figure dans les thèmes prioritaires des prochains CUCS. Des conventions avec départements et intercommunalités devraient pouvoir favoriser l'action en milieu rural. Par le biais d'une méthode progressive et expérimentale (une convention avec un Département), on pourrait développer l'accompagnement de la pratique amateur par des professionnels. Il faudrait aussi définir une stratégie de partenariat avec les collectivités pour le numérique, et une méthode de conseil aux élus pour l'architecture.

 

Quel pilotage côté ministère pour engager le processus de relance du partenariat ?

 

Jérôme Bouët suggère qu'au sein du ministère un « Conseil-miroir » permette de préparer le Conseil des collectivités et de « diffuser une culture territoriale dans les directions centrales ». Des indicateurs nouveaux devraient permettre d'appréhender les actions favorisant l'aménagement du territoire. Les atteintes aux règles de la déconcentration doivent être repérées. Les DRAC devraient pouvoir accueillir en leur sein de nouveaux métiers (ex : numérique et économie culturelle), et par détachement des cadres de la fonction publique territoriale.

 

En conclusion, Jérôme Bouët s'inscrit dans l'option politique d'une intervention de l'Etat restant forte et se défend d'un plan qui transférerait les obligations de l'Etat. Il milite pour un ministère de la culture prompt à saisir les opportunités d'élargir sa relation avec la population, qui sache considérer que le territoire est un enjeu politique majeur, et qui sache enfin favoriser le développement des responsabilités culturelles des collectivités.

 

Il y a du travail ! A commencer par le fait de savoir si le Ministre de la culture va ou non commander la mise en œuvre de ces 21 recommandations.

 

François Deschamps

Partenariat

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